Allez viens, on va parler du fromage !

Pourquoi choisir les fromages végétaux comme alternative aux fromages « traditionnels » :

Le fromage est l’un des emblèmes de la France, n’ayons pas peur des mots. Notre pays a su développer au fil des siècles un précieux savoir faire concernant l’élaboration de fromages, développant une gamme extrêmement riche de produits aux goûts parfois fins, parfois très prononcés et carrément addictifs.

Et pourtant, entre les gens qui sont intolérants au lactose, ceux qui veulent réduire leur consommation pour des raisons de santé et ceux qui ont choisi de boycotter les produits laitiers pour des raisons éthiques ou environnementales, il existe désormais une petite partie des consommateurs qui sont particulièrement intéressés par l’alternative que constituent les fromages végétaux, encore appelés « frawmages », « vromages », « fauxmages » ou « non je vous jure j’ai jamais dit fromage » (ah ah je te tiens! t’as dit fromage quand même!).

Je ne reviendrai pas sur les problématiques environnementales posées par l’élevage (cf. notre précédent article « Pourquoi un restaurant vegan« ), pour me consacrer à la question éthique animaliste. Si des gens comme moi, qui adoraient le fromage traditionnel, ont fait le choix de le boycotter (ainsi que tous les produits contenant du lait animal), c’est qu’il y a bien comme on dit : « baleine sous cailloux », ou « anguille sous roche » ou « veau caché dans le box »…pour résumer : des grosses cachotteries, pas jolies jolies. Les voici :

  • L’association automatique entre le calcium, nécessaire pour les os, et les produits laitiers induit volontairement une information fausse. En réalité, on vit très bien sans fromages et sans produits laitiers, parce que le calcium est fourni par les végétaux…y compris celui contenu dans le lait de vache. Et finalement on se dit que cette histoire de consommer du lait maternel d’une autre espèce, en fait, c’est un peu bizarre, si on y réfléchit bien. Ou alors la nature aurait carrément bugué au moment de la conception des humains, la seule espèce qui pour être en bonne santé serait obligée de se fournir en lait maternel d’une autre espèce, y compris une fois adulte d’ailleurs. On précisera au passage que même pour les nourrissons, qui eux ne sont pas sevrés,  il existe si besoin des laits infantiles végétaux (et pas de simples laits végétaux du supermarché), disponibles en pharmacie et qui remplissent toutes les fonctions d’un lait infantile. Faut-il encore le savoir.
  • De nombreux fromages traditionnels ne sont  pas « végétariens ». Je ne parle pas des asticots volontairement présents dans un célèbre fromage corse ou sarde (si si, ça existe), mais bien de l’utilisation durant la fabrication de la fameuse présure, récupérée dans  la “caillette” : l’un des estomacs du veau, du chevreau ou de la brebis non sevré(e), qui contient un cocktail d’enzymes (dont la chymosine et la pepsine) qui a la propriété de faire coaguler le lait.
    Ce cocktail d’enzymes va venir couper les liaisons dans la structure du lait (micelles de la caséine), ce qui va provoquer la formation du caillé. En récupérant ces enzymes (la présure), on reproduit ce qui se passe dans l’estomac des jeunes animaux. Par « récupérer », comprenez bien tuer l’animal et lui prendre son estomac.
    Certains fromages sont fabriqués sans utilisation de présure animale, mais comme la question de la présure n’est rien par rapport à ce qui va suivre, distinguer entre fromages avec présure et ceux sans présure a un intérêt très réduit d’un point de vue éthique.
  • Le sort des veaux, chevreaux ou brebis : le lait animal est toujours un lait « maternel ». Pour produire du lait, la vache, la chèvre ou la brebis doit vêler, c’est à dire « mettre bas », mettre un petit au monde.  Le petit est retiré à sa mère dans les 24 h en moyenne et isolé dans un box. Il est nourri avec un aliment d’allaitement, à base essentiellement de produits laitiers. Dans la filière laitière les petits mâles, à l’instar des poussins mâles dans la filière des œufs, sont « inutiles ». Ils sont destinés à être abattus après 5/6, voire 8 mois d’engraissement, à la limite de l’anémie afin de conserver une viande blanche. Les femelles seront en partie conservées pour renouveler le troupeau, les autres seront envoyées à l’abattoir (cf. Organisation de l’élevage bovin en France).
    On parle de « veaux surnuméraires » ou encore de filière « veaux de boucherie » : ils sont une forme de « sous-produit » incontournable de la filière lait, y compris en bio bien évidemment.
  • Le sort des femelles « productrices » de lait n’est guère enviable (v. notamment la page de L 214 consacrée à « la vie des vaches laitières »). Elles sont inséminées dès l’âge de maturité et le plus précocement possible. Elles vêlent puis sont séparées de leur petit, provoquant chez elles  et chez leur petit une détresse immense (v. « Souffrance du veau : fantasme et réalité« ). Elles sont ensuite utilisées comme des « machines » à produire du lait maternel et dans des quantités qui dépassent l’entendement. Insémination et vêlage sont répétés chaque année afin de stimuler la lactation qui se tarirait normalement au bout de 10 mois. Après une vie souvent passée enfermées, elles arrêtent leur « carrière » très active et régulièrement source de nombreuses infections, inflammations, douleurs chroniques, afin d’être remplacées par des femelles jeunes et plus productives. Une « réforme » précoce et programmée qui se situe vers 5/6 ans (Longévité comparée des races laitières), bien loin de leur espérance de vie naturelle qui est de 20 ans.
    Une partie d’entre elles arrivent à l’abattoir encore gestantes, ce qu’a révélé au grand public l‘enquête de L 214 dans l’abattoir de Limoges.
    Des chiffres à connaître : 80% de la viande bovine vendue en France provient de vaches de « réforme » (fin de la période optimale de lactation pour la filière lait ou de reproduction pour la filière viande) dont la moitié provient de la filière lait. Filière lait et filière viande sont donc étroitement liées.
    De façon très marginale vous entendrez que certains petits éleveurs très attachées à leur « favorite » essayeront de la garder pour lui offrir une retraite paisible. Une parmi tant d’autres…Une exploitation laitière, quelle que soit sa taille, a toujours une logique d’ exploitation : on ne peut garder tous les animaux non rentables, voire totalement improductifs. C’est économiquement impossible.

Nul besoin d’être moine bouddhiste pour être d’accord avec Matthieu Ricard :

« la souffrance d’un animal est plus importante que le goût d’un aliment »

On voit bien que d’un point de vue éthique, si l’on s’interroge sur la souffrance et l’exploitation inhérentes aux fromages traditionnels, y compris en bio, même ton fromage préféré finit par avoir un goût amer.

La bonne, non! l’excellente nouvelle, c’est qu’il est possible de développer des alternatives, via les fromages végétaux, qui connaissent un essor fulgurent. Le début d’une longue aventure où beaucoup de choses restent encore à faire, à développer, à diversifier, mais où l’on trouve déjà des alternatives carrément bluffantes et savoureuses. Je vous propose un rapide état des lieux.

Les fromages végétaux débarquent en France :

A la faveur de l’essor de la demande de produits vegan en France, les fromages végétaux (base soja, cajou, riz, chanvre, huile de coco, lupin…) font enfin leur apparition, encore timide dans les rayons des supermarchés français et extrêmement diversifiée dans les boutiques spécialisées (à tartiner, en tranches, pour les pizzas, râpé, frais…).

Ils sont une alternative idéale pour ceux qui veulent limiter leur consommation de produits laitiers, encore largement promus mais de plus en plus décriés, et la seule disponible pour ceux qui ont exclu (volontairement ou non) les produits animaux de leur consommation quotidienne.

Les produits de type industriel proviennent essentiellement du Royaume-Uni, d’Allemagne, de Suisse, d’Italie…déjà très en avance sur l’offre végétale. On les retrouve sur les principaux sites de vente en ligne, tels que :

Un monde vegan ; The vegan shop ; La boutique vegan

La multiplication des recettes de fromages végétaux faits maison :

  Tu n’es pas un grand fan des produits industriels ou tu souhaites les limiter : ça tombe bien, nous aussi. Alors pourquoi ne pas passer en mode « fait maison », à partir de produits bio, achetés en vrac? Parce que faire un fromage végétal, c’est plutôt simple.
Les recettes de fromages végétaux frais ou avec fermentation sont omniprésentes dans les livres recettes de cuisine végétale (quand ils n’ont pas carrément un livre dédié), sur les blogs, ou encore sur les réseaux sociaux utilisés par les Végétariens, végétaliens et végans.

Testés et approuvés, les fromages frais faits maison sont rapides à réaliser, économiques, sans cruauté et …délicieux.

Alors jetez un coup d’œil aux nombreuses recettes disponibles sur Internet. Commencez par exemple par les recettes simplissimes du blog Antigone 21, d’Ophélie Véron : Comment faire des fromages végétaux : le b. a. b-a. C’est grâce à elle que je me suis lancée dans mes premiers fromages.

Vous pouvez également vous procurer un livre de cuisine dédié aux fromages végétaux, inclus des recettes avec fermentation et conseils d’affinage :

Fromages Vegan, de Marie Laforêt, éditions La Plage (ma bible)
Ma petite crèmerie vegan, de Sébastien Kardinal, éditions La Plage (idéal pour monter en technicité)

 

Bien évidemment nous proposerons aussi des ateliers « fromages végétaux » pour ceux qui le souhaitent, afin de leur apprendre à faire quelques délicieux fromages simples qui feront rapidement partie de leurs recettes fétiches.

 

 

Des fromages végétaux oui, mais gastronomiques aussi :

Une conclusion à la française comme on dit. Car la France, pays du fromage, ne pouvait pas ignorer plus longtemps l’émergence des fromages végétaux, déjà très répandus dans d’autres pays, sans se les approprier, les travailler, et inventer, comme elle l’a toujours fait.

Les premiers fromages gastronomiques et artisanaux réalisés par des maîtres fromagers affineurs ou des passionnés de cuisine végétale commencent à voir le jour. Allez voir leurs sites :

Les nouveaux affineurs
Les petits veganne
Jay & Joy

Troublants, bluffants, ils ont toutes les caractéristiques attendues d’un fromage affiné (pâtes persillées, croûtes fleuries, …pour décliner des « camemberts », « bleus », « munsters » …). Et dites-vous bien que nous ne sommes qu’au début de l’histoire des fromages végétaux, dont l’avenir semble plus que prometteur!

Alors à suivre…