On n’a pas toujours la patience nécessaire pour répondre à cet argument infondé et qui n’a souvent que pour objectif, dans un débat, de légitimer la consommation des animaux et minimiser la souffrance animale. Car, si les plantes souffrent comme les animaux, exclure l’un mais pas l’autre de son alimentation est incohérent. Donc pour être cohérent il faudrait alors, soit refuser toute nourriture et se laisser mourir, soit manger des animaux, comme des plantes, peu importe puisque c’est pareil.
Voici quelques éléments de réponse face aux arguments et confusions volontairement entretenues concernant les plantes :
1. Les plantes sont bien des êtres vivants
Une plante est un organisme doté de vie, ce qui signifie qu’il nait, se développe en se nourrissant, se reproduit et meurt. Les animaux (dont les humains), les végétaux, les champignons et les bactéries sont des êtres vivants.
Mais que l’on soit végétarien ou végétalien, on ne dit pas qu’on ne mange pas « d’être vivant », on dit bien que l’on ne mange pas d’animaux, ni de produits issus des animaux pour les végétaliens.
2. Il n’existe aucune étude scientifique sérieuse prouvant que les plantes souffrent
Les végétaux n’ont pas de système nerveux. Or sans système nerveux, pas de capteur de douleur. Inversement tous les animaux sont pourvus d’un système nerveux (même les méduses et les mollusques). Non par fantaisie de l’évolution, mais parce que la première stratégie de défense des animaux est l’évitement : la douleur est le signal d’alarme le plus puissant qui nous invite à fuir face à une attaque, ôter sa main du feu, sentir une blessure corporelle, fuir la lame d’un couteau, etc.
Si dame nature avait voulu être sadique, elle aurait collé un minimum de système nerveux et de nocicepteurs ou autre capteurs sensoriels aux plantes, afin qu’elles puissent sentir une douleur extrême, tout en sachant qu’elles sont dans l’incapacité de fuir. Mais ce n’est pas le cas. Elle a développé chez les plantes d’autres stratégies de réactions au stress et autres agressions, par flux électriques, réactions et échanges hormonaux et capacités à se développer et se réparer à partir d’éléments simples, malgré des atteintes à son intégrité. Parce que ce sont des stratégies adaptées à un être vivant incapable de fuir.
Ce qu’il est important de relever au contraire, c’est que les animaux non humains font enfin partie des êtres dont la capacité à souffrir est reconnue (bien qu’elle ne soit que timidement prise en compte par notre droit et clairement ignorée lorsqu’il s’agit d’expérimentations sur les animaux). Une capacité à ressentir une souffrance physique, mais aussi parfois psychologique (dépression nerveuse, tristesse,… ). Une souffrance ressentie qui a longtemps été contestée par certains, malgré son caractère particulièrement manifeste chez les mammifères notamment. René Descartes au XVIIe siècle développait ainsi sa théorie de l’animal-machine : peu importe les cris, les larmes, tremblements, l’animal n’était qu’une machine perfectionnée, avec des rouages et des réactions mécaniques, capable d’imiter mais ne ressentant rien. Inversement, nombreux penseurs grecs et romains de l’Antiquité dénonçaient déjà la souffrance infligée aux animaux, les spectacles terribles de sacrifices et les nombreux maux causés à ces êtres « animés ».
On notera tout de même, au passage, que bien que scientifiquement reconnue et documentée, la souffrance des poissons, car moins facilement observable, est quant à elle encore largement déconsidérée ou totalement ignorée du grand public.
3. Oui, mais il y aurait une « forme de » souffrance chez les plantes
Quelques chercheurs essayent de défendre le concept de système nerveux diffus. Une théorie qui ne repose toutefois sur aucune réalité scientifique, ni aucune documentation. Elle leur servirait à expliquer les réactions mécaniques de certaines plantes face aux stimuli. Une théorie qui viendrait soulever de nombreuses interrogations : si les plantes souffraient, quelle partie serait concernée ? Les fruits, la tige, les feuilles, les bourgeons, les branches, les racines ? Et que penser des greffes, boutures ou taille ? (extrait du site Vegan pratique).
Si elle existait, cette « forme de » souffrance des plantes serait présente chez un être vivant n’ayant toutefois aucune forme de conscience. « Souffrir » et réagir, mais sans en avoir conscience…plutôt cool si on n’y pense.
Alors voilà, il y a des choses très intéressantes et même fascinantes à découvrir sur les plantes, notamment sur les arbres (si vous avez l’occasion regardez le film « L’intelligence des arbres« ) et la première des choses à faire serait de tenir compte de leurs spécificités. En science, l’usage des « comparaisons » ne sert qu’à (1) partir d’une référence connue, compréhensible de tous (ici la notion de souffrance), (2) pour essayer de s’en extraire et comprendre la réalité et les spécificités du phénomène observé.
Si les animaux humains ou non humains sont des êtres sentients et conscients, les végétaux ont une « forme » de sensibilité qui leur permet de réagir face à une agression, la nature leur attribuant des stratégies qui leurs sont propres. Et c’est bien sûr la même chose pour les champignons et les bactéries. Tout être vivant est le résultat d’une évolution qui lui a permis de s’adapter pour parvenir à se produire. Ce qui inclut des mécanismes de défense ou au contraire de symbiose avec d’autres organismes. Ainsi, les bactéries font preuve d’une forme d’intelligence pour se protéger de l’attaque des antibiotiques, sont capables de « faire le dos rond » pour s’en protéger et s’organiser collectivement.
Mais parler de « forme de » souffrance pour les plantes, c’est comme étudier les caractéristiques du chat est réussir à le classer en partie dans les « liquides »
(v. l’étude récompensée par le Ig Nobel : Le chat est-il liquide ou solide?).
Ça vous permet d’en savoir un peu plus sur le chat et ses capacités, mais vous comprenez les limites de la comparaison et n’essaierez jamais de laver votre voiture avec votre chat, ni de boire votre chat.. du moins je l’espère.
Comparer jusqu’à confondre la forme de « souffrance » des plantes à celle avérée des animaux reviendrait également à mettre sur le même plan la souffrance prétendue d’une carotte et celle d’un humain (animal sentient parmi les autres). Or personne n’envisage sérieusement de défendre une confusion à la fois aussi infondée et aussi dangereuse. Pourquoi le faire avec les autres animaux?
En résumé et quel que soit le domaine scientifique : comparaison n’est pas raison.
4. Souffrir et en avoir conscience : une spécificité de la sentience
L’éthologie et les neurosciences ont considérablement révolutionné la compréhension des animaux non humains. Ces avancées sont récentes car ces sciences et leur façon d’étudier les animaux sont elles-mêmes récentes.
On sait ainsi que la capacité à souffrir et à ressentir sa souffrance fait partie des différents attributs de la sentience. Un néologisme nécessaire qui sert désormais à évoquer la conscience des animaux et le ressenti que les animaux ont de leurs émotions et de leurs souffrances, alors que « la plupart d’entre eux (tous ?) ont des désirs, des buts, une volonté qui leur sont propres » (extrait des Cahiers antispécistes n° 26 ). La sentience c’est donc à la fois la notion de sensibilité et de conscience. Évoquer la souffrance des animaux est donc nécessaire, mais il convient également de parler de sentience.
La reconnaissance scientifique de la conscience chez la plupart des animaux est récente. Elle résulte de la déclaration de Cambridge sur la conscience de 2012.
« Des données convergentes indiquent que les animaux non-humains possèdent les substrats neuroanatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques des états conscients, ainsi que la capacité de se livrer à des comportements intentionnels. Par conséquent, la force des preuves nous amène à conclure que les humains ne sont pas seuls à posséder les substrats neurologiques de la conscience. Des animaux non-humains, notamment l’ensemble des mammifères et des oiseaux ainsi que de nombreuses autres espèces telles que les pieuvres, possèdent également ces substrats neurologiques. »
Les animaux ont donc un intérêt à vivre, une volonté de fuir l’inconfort, parfois une vie sociale extrêmement développée, une perception de leur propre vie et in fine une volonté de vivre.
La question posée d’un point de vue éthique est désormais la suivante : dans quelle mesure sommes nous légitimes à tuer un individu qui veut vivre ? Une question d’autant plus pertinente qu’il est désormais clairement établi qu’il n’est pas nécessaire de manger des produits animaux et que nous avons accès à de nombreuses alternatives végétales. Dans différents endroits du monde, tuer l’animal pour se nourrir reste une nécessité vitale. Certes. Sur une ile déserte, nous serions encore en état de nécessité vitale (les gens aiment bien nous imaginer sur une île déserte). Certes. Mais dans les conditions réelles, celles de notre quotidien, où est la nécessité?
Si bien que l’on demandera de moins en moins dans le futur « pourquoi tu ne manges pas de viande ? », mais plutôt : « pourquoi tu continues de manger des animaux ? ».
Examiner les données scientifiques actuelles sur la souffrance et de manière générale les capacités spécifiques des êtres sentients renvoie donc à une question fondamentale : la reconnaissance ou non des intérêts propres des animaux non humains, dont ne pas souffrir bien sûr, mais également vivre.
Je vous rassure toutefois, la majorité des pseudos scientifiques improvisés soucieux de la souffrance des pantes n’ont aucune envie de s’interroger sur la souffrance avérée des animaux et encore moins sur leur conscience (beaucoup ignorent encore la reconnaissance scientifique de la conscience animale), leur sentience et encore moins leurs intérêts propres. Au mieux ils seront d’accord sur le fait que l’animal a le droit à une « vie » (même extrêmement brève) heureuse (théorique ou fantasmée pour l’essentiel des animaux), à mourir sans souffrir ou mourir « humainement » (en théorie tout est joli), mais surtout pas le droit de vivre. C’est incompatible avec leur désir de continuer à manger des animaux.
5. Une alimentation végétale nécessitera toujours moins de végétaux que les autres régimes alimentaires
Dernière approche à envisager si l’on parle de prétendue souffrance des plantes ou de potentielle souffrance qui n’aurait pas encore été prouvée, mais le sera peut-être un jour : comment réduire cette « forme » de souffrance, y compris par son alimentation?
S’il s’agit d’une réelle préoccupation pour les plantes, sachez que les plus grand consommateurs de végétaux sont les animaux d’élevage (v. sur ce point notre article « Pourquoi un restaurant vegan?« ). Ainsi, pour consommer du lait, ou encore de la viande, il a fallu que l’animal en question consomme des kilos de végétaux. Il faut en moyenne 5 Kg de protéines végétales pour produire 1 Kg de protéines animales.
Le régime végétalien étant celui qui nécessite le moins de « consommation » de végétaux, il devrait donc en toute logique être adopté également par les amoureux des plantes et tous les défenseurs de la théorie du « moindre mal ».